Je viens enfin de voir le dernier film de Jia Zhangke, A touch of sin à Paris (Le film est en effet censuré en chine continentale).

J'ai donc décidé de vous faire partager mon ressenti suite au visionnage de cette oeuvre unique qui nous dépeint une chine complètement occultée des médias traditionnels.

 Synopsis du film

Le film se veut une vraie satire de la société chinoise actuelle dirigée par l'argent, la corruption et le mépris du plus faible.

Jia Zhangke est ainsi reparti de quatre faits divers qui ont eu un fort retentissement dans les réseaux sociaux chinois ces dernières années. Le film est donc divisé en quatre parties qui se focalisent sur ces personnages qui ont fait l'actualité en chine dans la rubrique faits divers. Le lien entre ses personnages est de faire partie de cette masse dite "docile" de Chine rarement mise en avant au cinéma : les travailleurs migrants, ouvriers, serveurs...

Le premier récit débute avec Dahai, un militant aux tendances syndicalistes, du nord de la Chine qui s'oppose violemment à ses patrons qui s'enrichissent sur le dos des ouvriers. Jia Zhangke y dénonce ici la corruption et l'écart de richesse monstrueux en Chine. Notre homme se ferme peu à peu au monde pour adopter une attitude violente qui le mènera à une tuerie sanglante, ne voyant aucun autre moyen d'agir sur la société.

La seconde histoire revient sur San Er et prend place à Chongqing dans le sud ouest du pays. On y découvre un personnage troublé, en manque de repères, qui braque des banques et tue sans états d'âme.

Le troisième fait divers prend place dans le Hubei où nous suivons le destin de Xiaoyu, une jeune réceptionniste d'un salon de massage. Notre protagoniste est obligée de tuer un client qui tentait de la violer. Le réalisateur s'en prend ici aux hommes qui, fortunés, pensent qu'ils peuvent commettre n'importe quel crime impunément.

Le quatrième récit enfin nous emmène dans le Guangdong, "l'usine du monde". Xiaohui est un jeune homme qui passe de petits boulots en petits boulots sans espoir en l'avenir. Il finira par se suicider de dépit. Le clin d'oeil aux vagues de suicides dans les usines Foxconn, qui fabriquent la plupart des produits Apple, est clair. Jia Zhangke revient ici sur les conditions difficiles des travailleurs migrants dans les usines et leur désespoir en l'avenir.

La philosophie du film

A touch of sin est un film très critique envers la société chinoise et les revers de sa croissance. Le film est très cru (Un peu trop parfois...) et montre de manière assez réaliste et bien structurée, comment chaque personnage atteint au fur et à mesure un degré de folie qui le mène jusqu'aux actes extrêmement violents dépeints dans l'oeuvre.

Jia Zhangke donne ici un message de moralité et de justice dans la société en dérive qu'est la chine de 2013. Il rééquilibre les rapports de force en donnant un moyen à ces masses silencieuses de s'exprimer durant 2 heures.

Cependant, le réalisateur nous dévoile une justice violente car c'est la seule que la population la plus pauvre du pays puisse s'offrir. Tout laisse entrevoir cette violence latente tout au long du long métrage en commençant par la première scène. Deux des principaux protagonistes se croisent sur une route jonchée de tomates suite à un accident... Sorte d'avertissement du réalisateur qui nous prévient que le rouge dominera ce film.

A l'opposé de cette violence déversée par torrents, Jia Zhanggke nous abreuve de magnifiques paysages sur une Chine parfois majestueuse, parfois poussiéreuse ou poisseuse, mais toujours grandiose.

J'ai apprécié tout particulièrement la touche positive introduite par le réalisateur à la fin du film qui tranche avec les récits assez sombres. On y voit les spectateurs d'une représentation en plein air de face. Ils sont de tous âges et observent tous dans la même direction plein d'espoir et passifs à la fois, attendant qu'on les guide vers un avenir meilleur.

Bande-annonce du film