• La calligraphie de la discorde

    La calligraphie de la discordeMo Yan est un célèbre auteur chinois dont les romans s'exportent bien en occident, notamment depuis son prix nobel de littérature qu'il a reçu en 2012. 

    L'auteur au style paysan, qui plaît aux occidentaux, est toutefois régulièrement décrié en Chine pour cette même raison, beaucoup l'accusant d'écrire des textes uniformes au langage souvent rude. Cette fois cependant, l'objet du débat ne porte pas directement sur l'oeuvre littéraire de Mo Yan mais plutôt sur son art du pinceau.

    On le sait, la calligraphie en Chine est un art à part entière où le sens compte tout autant que le soin apporté à la forme, au "style", dont d'innombrables écoles ont perpétué la tradition depuis des millénaires. Cette discipline est donc une fierté nationale aux caractéristiques strictes, et quiconque s'y aventure prend donc un risque. 

    C'est ainsi qu'une calligraphie de Mo Yan datée de 2013, est devenue un sujet de débat en ce mois de Mai sur les réseaux sociaux chinois. La calligraphie de Mo Yan intitulée "QianLong ShiJing" (乾隆石经 - Pierre classique de Qianlong), est ainsi placée à l'entrée du temple Confucius de Pékin : lieu hautement symbolique car synonyme de connaissance, d'apprentissage et de respect des valeurs traditionnelles chinoises. C'est ce dernier point qui est à la source du vif débat lancé par les internautes suite au post sur les réseaux sociaux chinois d'une photo d'un touriste de passage à Pékin.

    La forme de la calligraphie [Photo ci-dessus] choque en effet les chinois au premier coup d'oeil car elle est écrite de gauche à droite et non de droite à gauche comme le sont habituellement les calligraphies visibles dans les temples. Ce point est important car l'écriture de gauche à droite - mais aussi l'ordonnancement en ligne et non en colonne des caractères - est assez récente en Chine. Ce choix de Mo Yan est donc perçu comme irrespectueux de la tradition chinoise dans un lieu quasi sacré qu'est ce temple Confucius de Pékin. D'autres internautes mais aussi des universitaires chinois de renom, s'en prennent au choix de la personne même pour réaliser cette calligraphie et critiquent un nivellement vers le bas de la culture chinoise. Les romans de l'auteur présentent en effet plus la simplicité des campagnards dans un langage souvent familier, ce qui n'est pas en adéquation avec ce lieu, ancien temple impérial qui fut jadis le lieu d'apprentissage des écrits classiques chinois.

     

    En attendant que cette vague de protestation ne prenne fin sur les réseaux sociaux chinois, les responsables du temple Confucius ont donc tranché et décidé de retirer temporairement cette calligraphie de la discorde.

    Cette anecdote reste malgré tout très intéressante dans l'étude de la société chinoise dont la culture a été très malmenée tout au long du XXème siècle. Beaucoup d'intellectuels chinois semblent aujourd'hui se rattacher à un passé culturel glorieux pour combler un manque profond laissé par des tragédies comme la Révolution Culturelle (entre autres). Les œuvres du passé deviennent sacrées car elles représentent les vestiges sauvés des destructions culturelles massives que la Chine a connu dans son histoire récente. Dans ce cadre, une simple calligraphie comme celle de Mo Yan, est perçue comme une souillure supplémentaire infligée à la culture ancestrale chinoise. La virulence des réactions, davantage que d'exposer la fierté du peuple pour son histoire, appuie en fait ici le malaise des chinois d'avoir tourné le dos à cette histoire millénaire. 

     La calligraphie de la discorde

    WangXizhi (王羲之) surnommé le "Prince de la calligraphie" (303-361)


  • Commentaires

    1
    Ap
    Mercredi 3 Juin 2015 à 20:41
    Super
    2
    Am
    Jeudi 25 Juin 2015 à 22:27

    C'est beau

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