• Le pousse-pousse - Lao SheLe pousse-pousse est l'un des plus célèbres romans de l'écrivain Lao She. Cette oeuvre parue en 1937 sous forme de nouvelles, est une satire sociale de son époque centrée autour du personnage de Siang-Tse (Xiangzi), honorable tireur de pousse à Pékin.

    Siang-Tse, dit Le chameau, est un modèle dans son métier, il est courageux, honnête et économe. Jeune paysan arrivé de sa campagne, il souhaite s'intégrer dans cette cité par son ardeur au travail et ses manières impeccables. Son objectif : S'acheter son propre pousse-pousse pour être indépendant.

    Cependant, Siang-Tse, va connaître tout au long du récit, de nombreuses péripéties, qui finiront par avoir raison de sa force de caractère et le précipiteront dans le cercle vicieux de l'échec. Son ascension lente et laborieuse sera ainsi réduite à néant en un temps record jusqu'à l'amener à ressembler à toutes ces personnes qu'il méprisait lorsque plein de vigueur, il foula pour la première fois le pavé de Pékin. 

    Lao She s'intéresse ici, comme à son habitude, aux gens ordinaire de Pékin, ville dont il est lui-même issu. Siang-Tse est ainsi l'ambassadeur du petit peuple qui lutte pour survivre, mais dont la machine infernale de l'injustice, broie sans cesse les efforts.

    Le roman, écrit pendant le règne du Guomindang et à la veille de l'invasion japonaise, est considéré comme une critique de l'ancien régime où l'exploitation des masses laborieuses avait atteint un point critique.

     

    Siang-Tse est ainsi présenté comme une victime de la cruauté de cette société mais également comme un fautif. Son entêtement à vouloir s'en sortir seul et à économiser le moindre sou gagné auront en effet raison de lui et précipiteront sa chute sans fin. Son individualisme est ainsi montré du doigt aussi par Lao She qui a déjà, à cette époque, épousé les thèses communistes qui se répandent chez les intellectuels chinois de puis le début des années 1920, portées par des figures de premier plan comme Lu Xun, considéré comme le fondateur de la littérature moderne chinoise.

    Cette critique est d'ailleurs directement exprimée dans le roman par cette phrase :"Lui [Siang-Tse], le malheureux, le déchu, l'"individualiste" qui croyait pouvoir réussir tout seul, quand donc serait-il enterré avec cette société cruelle et pourrie qui l'avait enfanté?"

     

    Lao She nous livre par ce roman, une vision de son époque via un autre prisme, celui d'un tireur de pousse-pousse "immigré" dans cette ville impitoyable, où de nos jours encore, la vie est cruelle pour ceux qui travaillent de leurs mains.

    Il fait preuve une fois de plus d'un talent indéniable dans la description des éléments constitutifs de son récit. Ainsi, les saisons qui passent sont décrites dans le détail le plus fin à tel point que nous pouvons presque ressentir ces changements. Les rues de Pékin sous la plume de Lao She sont vivantes et odorantes, et les habitants de ce petit monde ont tous quelque chose qui les distingue.

    Ce roman qui précède l'excellente trilogie Quatre générations sous un même toit [Dont je vous recommande grandement la lecture malgré ses 1900 pages, voir mon précédent article : ICI] est une très bonne introduction à cet auteur majeur de la littérature chinoise que je conseille vivement à celles et ceux qui souhaitent revivre une époque et une ville aujourd'hui disparues.

    Le pousse-pousse - Lao She


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  • La vie communautaire, engendrée par le principe de piété filiale, a longtemps rythmé le quotidien des chinois jusqu'à une époque récente. Des générations ont ainsi perpétué ce mode de vie au fil des siècles, forgeant une cohésion au sein de groupes restreints.

    Quatre générations sous un même toit - Lao ShePékin plus que n'importe quelle autre ville chinoise, a su conserver cette tradition jusqu'au milieu du XXème siècle grâce à une organisation urbaine particulière : Les hutongs (Rues traditionnelles du nord de la Chine) liant entre eux des quartiers parsemés de Siheyuan, maisons à cours carrées où habitaient des familles dont la vie se retrouvait immanquablement liée à celles de leurs voisins (Je vous invite également à lire l'article de ce blog du 24/07/2013 : A-travers-les-hutongs-de-pekin).

    C'est ce quotidien que nous décrit Lao She dans sa célèbre trilogie Quatre générations sous un même toit, l'histoire d'une époque désormais (presque) révolue, où la communauté primait sur l'individu et où les affaires du foyer étaient discutées entre générations. Lao She, lui même pékinois, nous fait ainsi pénétrer dans cet univers cloisonné à une période trouble de l'histoire chinoise : l'invasion de Pékin et d'une grande partie de la Chine par l'armée japonaise. L'auteur nous présente ainsi ses protagonistes dont les destins seront à jamais bouleversés par une guerre qui n'épargne personne, pas même la vie paisible des habitants des hutongs de Pékin.

    Quatre générations sous un même toit

    Le roman débute naturellement - peut-être aussi dans un souci de respect des anciens avant tout - par une description du vieux Qi, le doyen de la ruelle du Petit-Bercail, théâtre de cette trilogie. La "scène" de ce récit n'est décrite que dans le second chapitre où Lao She dessine ce petit quartier de vie comme un corps humain auquel il donne vie au fil des pages, et où tous les axes semblent aboutir à l'épicentre du quartier, cette partie, qu'il qualifie de "thorax", et qui unifie les destins de ses habitants.

    Le décor posé, nous pouvons désormais nous représenter plus en détail l'écosystème qui régit cet espace confiné. Au fur et à mesure des chapitres nous découvrons donc les différentes familles dont les trois principales : les Qi, les Qian et les Guan, qui rythmeront l'ensemble du récit. Le lecteur est d'ailleurs rapidement amené à prendre parti contre les Guan et leur morale légère. Cependant, les choses ne semblent pas toujours être ce qu'elles sont réellement avec Lao She, et les personnages du récit peuvent évoluer voire, changer leur point de vue à plusieurs reprises suite à des événements injustes, dont la violence ne fait que croître au fil des pages.

    L'injustice majeure, représentée par cette invasion agressive de la part du voisin japonais, n'a de cesse d'alimenter un sentiment nationaliste de la part des principaux protagonistes, sentiment qui ne cessera de se développer avec le nombre croissant de "traîtres" coopérant avec l'ennemi.

    Dans ce contexte troublé, les jeunes prennent des décisions, tandis que les anciens, le vieux Qi en tête, font profil bas et ne peuvent qu'assister au démembrement de la structure du groupe. Lao She nous dépeint ainsi le quotidien des hutongs en même temps qu'il nous laisse entrevoir la destruction lente de son tissu social.

    La guerre mondiale s’immisce peu à peu dans le quotidien de ces familles, et aux conflits armés s'ajoutent les rivalités entre les clans qui finiront par diviser les familles de la ruelle du Petit-Bercail.

     

    Quatre générations sous un même toit - Lao SheLao She a écrit Quatre générations sous un même toit en plein conflit sino-japonais (1942-1944), alors que les japonais occupaient déjà Pékin depuis 1937. Sa description très précise de cette ambiance unique qui régnait dans les hutongs de Pékin des années 1930, lui a valu une renommée internationale.

    Certains articles n'hésitent d'ailleurs pas à le comparer à Victor Hugo ou Balzac qui ont été les grands narrateurs de Paris au XIXème siècle. Lao She serait donc de la même manière, le chroniqueur et historien de Pékin au XXème siècle.

    Plus globalement, Lao She aura surtout su décrire ses contemporains de toutes les couches sociales comme personne, avec une plume toujours simple et modeste destinée à toucher le plus grand nombre.

    D'autres ouvrages passionnants sont à découvrir sur cet auteur majeur de la culture chinoise (Des articles suivront au fur et à mesure de mes lectures de cet auteur).


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  • Beijing Silvermine : Un certain regard sur la Chine ordinaireCertaines histoires nous parlent dès les premiers mots et éveillent en nous une curiosité naturelle. Dans mon cas, j'aime les récits photographiques et les histoires imaginaires ou même banales vers lesquelles nous emmènent ces clichés. C'est ainsi que je suis tombé il y a quelques semaines, par un heureux hasard, sur le projet "Beijing Silvermine" du collectionneur et éditeur français Thomas Sauvin. Cette initiative m'a immédiatement intéressé par sa simplicité et son accessibilité, puisqu'elle s'attache à décrire une période étrangement peu abordée : Le développement des loisirs et de la photographie grand public en Chine.

    C'est en 2009 que Thomas, installé à Pékin depuis 10 ans, lance son projet titanesque de récolte des négatifs abandonnés par les chinois depuis le milieu des années 2000 et le développement du numérique. Son travail commence donc dans les centres de recyclage de la banlieue de Pékin où il récupère ce matériel brut destiné à être réduit en cendres afin de récupérer du nitrate d'argent. Cette récolte en masse d'images abîmées par le temps nous ramène aux balbutiements du développement des loisirs en Chine des années 1980 aux années 2000, nous offrant ainsi un récit touchant de cette période à travers le regard des chinois eux-mêmes.

    Beijing Silvermine : Un certain regard sur la Chine ordinaireLe projet Beijing Silvermine, à travers le demi-million de clichés déjà récupérés par Thomas en 6 ans, nous permet également d'entrevoir une Chine en pleine transition, où la population découvrait les joies du tourisme et de la consommation après des décennies de privations. Les années 1990 ont en effet marqué le développement du tourisme domestique et notamment des parcs à thème à travers le pays, élément prédominant des nombreuses photos présentées dans ce projet. L'accumulation de ces photos banales, pouvant même être perçues comme ennuyeuses par certains, représente également un travail d'archivage précieux de la mémoire récente de la Chine dans un pays trop tourné vers l'avenir.

    Beijing Silvermine : Un certain regard sur la Chine ordinaire

    La première étape de Beijing Silvermine, récolter et archiver ces mémoires de la période post Révolution Culturelle, est maintenant suivie par une seconde étape de "réanimation" de ces négatifs. Pour ce travail, Thomas Sauvin s'est entouré d'artistes chinois afin de l'aider à redonner vie à ces moment figés de la vie de chinois ordinaires. L'artiste Lei Lei a ainsi réalisé des vidéos hypnotisantes qui explorent d’une autre manière la dimension surréaliste et la profondeur de ces archives.

    Beijing Silvermine : Un certain regard sur la Chine ordinaire

    Beijing Silvermine est un projet comme je les aime, une réanimation du passé par une démarche simple et proche des gens. Chacun peut s'amuser à reprendre ces clichés aléatoires, puis les assembler, recréer une histoire ou même s'imaginer quel type d'homme ou de femme est le photographe qui a pris ce cliché.


    Vous trouverez ci-dessous un reportage intéressant sur ce projet peu commun :

    Beijing Silvermine : Un certain regard sur la Chine ordinaire


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  • #LegosforAiweiwei : Le mauvais coup de com de LegoLa complaisance des firmes occidentales vis-à-vis du pouvoir chinois est monnaie courante. Être présent sur le marché chinois et pouvoir y développer son activité, reste pour beaucoup de multinationales, le meilleur moyen de palier à la faible croissance des marchés occidentaux. Cependant, il ne faut jamais sous-estimer un autre pouvoir prédominant pour ces sociétés mondialisées : le consommateur. C'est cette leçon que vient d'apprendre le plus célèbre des fabricants de briques.

    L'histoire commence par un refus du fabricant danois d'honorer une grosse commande de briques Lego effectuée par l'artiste dissident chinois Ai Weiwei dans le cadre de sa future exposition en Australie sur la liberté d'expression. Ce refus de vendre des briques à l'artiste pour des raisons "politiques" contraires à l'éthique de la marque, loin de décourager Ai Weiwei, l'amène au contraire à partager son anecdote sur les réseaux sociaux pour mettre la marque face à ses responsabilités et au jugement des internautes du monde entier.

    #LegosforAiweiwei : Le mauvais coup de com de Lego

    Détournement du célèbre cliché où Ai Weiwei casse un vase de la dynastie Han

    Et force est de constater que les internautes sont très réceptifs à cette injustice au grand dam de Lego. Nous assistons donc depuis quelques jours à une véritable campagne de contre-communication contre la marque : Lego qui incarnait la possibilité pour chaque enfant de modeler ses rêves ne serait-elle qu'un fabricant d'illusions? Il semblerait que oui...

    #LegosforAiweiwei : Le mauvais coup de com de Lego

    Loin de s'arrêter là, la contestation d'une partie des internautes dépasse désormais le cadre du "post" pour devenir plus concrète. De plus en plus d'internautes se proposent même d'envoyer des Lego à Ai Weiwei pour lui permettre de réaliser son oeuvre subversive : Le fabricant doit ainsi faire face à une dissidence mondialisée dont il avait certainement sous-estimé l'impact.

    #LegosforAiweiwei : Le mauvais coup de com de Lego

    Enfant proposant ses Lego à l'artiste via une photo sur Instragram

    L'affaire, au-delà de son ridicule apparent, pose la question de l'auto-censure des grandes firmes occidentales, car dans le cas présent, rien n'obligeait Lego à refuser cette vente. Rappelons que l'exposition ne se tenait pas en Chine. 

    La justification de ce rejet est également douteuse. La firme refuserait d'être utilisée à des fin politiques ou religieuses, ce qui peut effectivement se comprendre, sauf qu'ici, il s'agit d'un sujet assez "classique" pour un pays occidental comme l'Australie : la liberté d'expression.

    L'aspect positif de cette affaire malgré tout, est peut être que la voix citoyenne et la dégradation de l'image de la marque, risquent de peser plus sur ses ventes que les répercussions gouvernementales que Lego craignait tant et qui ont motivées sa décision.


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  • La calligraphie de la discordeMo Yan est un célèbre auteur chinois dont les romans s'exportent bien en occident, notamment depuis son prix nobel de littérature qu'il a reçu en 2012. 

    L'auteur au style paysan, qui plaît aux occidentaux, est toutefois régulièrement décrié en Chine pour cette même raison, beaucoup l'accusant d'écrire des textes uniformes au langage souvent rude. Cette fois cependant, l'objet du débat ne porte pas directement sur l'oeuvre littéraire de Mo Yan mais plutôt sur son art du pinceau.

    On le sait, la calligraphie en Chine est un art à part entière où le sens compte tout autant que le soin apporté à la forme, au "style", dont d'innombrables écoles ont perpétué la tradition depuis des millénaires. Cette discipline est donc une fierté nationale aux caractéristiques strictes, et quiconque s'y aventure prend donc un risque. 

    C'est ainsi qu'une calligraphie de Mo Yan datée de 2013, est devenue un sujet de débat en ce mois de Mai sur les réseaux sociaux chinois. La calligraphie de Mo Yan intitulée "QianLong ShiJing" (乾隆石经 - Pierre classique de Qianlong), est ainsi placée à l'entrée du temple Confucius de Pékin : lieu hautement symbolique car synonyme de connaissance, d'apprentissage et de respect des valeurs traditionnelles chinoises. C'est ce dernier point qui est à la source du vif débat lancé par les internautes suite au post sur les réseaux sociaux chinois d'une photo d'un touriste de passage à Pékin.

    La forme de la calligraphie [Photo ci-dessus] choque en effet les chinois au premier coup d'oeil car elle est écrite de gauche à droite et non de droite à gauche comme le sont habituellement les calligraphies visibles dans les temples. Ce point est important car l'écriture de gauche à droite - mais aussi l'ordonnancement en ligne et non en colonne des caractères - est assez récente en Chine. Ce choix de Mo Yan est donc perçu comme irrespectueux de la tradition chinoise dans un lieu quasi sacré qu'est ce temple Confucius de Pékin. D'autres internautes mais aussi des universitaires chinois de renom, s'en prennent au choix de la personne même pour réaliser cette calligraphie et critiquent un nivellement vers le bas de la culture chinoise. Les romans de l'auteur présentent en effet plus la simplicité des campagnards dans un langage souvent familier, ce qui n'est pas en adéquation avec ce lieu, ancien temple impérial qui fut jadis le lieu d'apprentissage des écrits classiques chinois.

     

    En attendant que cette vague de protestation ne prenne fin sur les réseaux sociaux chinois, les responsables du temple Confucius ont donc tranché et décidé de retirer temporairement cette calligraphie de la discorde.

    Cette anecdote reste malgré tout très intéressante dans l'étude de la société chinoise dont la culture a été très malmenée tout au long du XXème siècle. Beaucoup d'intellectuels chinois semblent aujourd'hui se rattacher à un passé culturel glorieux pour combler un manque profond laissé par des tragédies comme la Révolution Culturelle (entre autres). Les œuvres du passé deviennent sacrées car elles représentent les vestiges sauvés des destructions culturelles massives que la Chine a connu dans son histoire récente. Dans ce cadre, une simple calligraphie comme celle de Mo Yan, est perçue comme une souillure supplémentaire infligée à la culture ancestrale chinoise. La virulence des réactions, davantage que d'exposer la fierté du peuple pour son histoire, appuie en fait ici le malaise des chinois d'avoir tourné le dos à cette histoire millénaire. 

     La calligraphie de la discorde

    WangXizhi (王羲之) surnommé le "Prince de la calligraphie" (303-361)


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  • Le manga, s'il est associé au Japon, existe bien dans d'autres pays d'Asie. En Chine, le Manhua (漫画), comme on le dit en chinois, est également répandu même si peu d'auteurs arrivent à accéder à la reconnaissance. 

    Parmi ces auteurs, Li Kunwu est de loin le plus connu en Chine, avec son style très personnel, qui le classerait plutôt dans la catégorie des dessinateurs de romans/autobiographies graphiques.

    Ces dernières années, j'ai pu lire certains de ses ouvrages, publiés en France par les éditions Kana

    Empreintes

    Empreintes : Li KunwuLe dernier à être paru en France, Empreintes, est également l'un de ses plus profonds. Li Kunwu s'y intéresse aux différents aspects marquants de la culture chinoise suite aux questions des amis étrangers de son fils, lui-même parti étudier en Angleterre.

    L'auteur, journaliste de profession dans le Yunnan (Sud-Ouest de la Chine), se retrouve donc à aller à la pêche à l'information pour son fils et ses amis anglais curieux de cette culture ancestrale chinoise qu'on ne connaît que trop sommairement en occident.

    Li Kunwu dessine ainsi son enquête auprès de différents experts des traditions chinoises comme un maître d'arts martiaux, des professeurs ou des membres de différentes ethnies afin de comprendre leurs coutumes.

    Cette recherche scrupuleuse d'information le pousse, ainsi que son fils, à s'interroger plus largement sur la singularité de la pensée chinoise. Li Kunwu dirige ainsi son récit vers une réflexion plus profonde sur l'équilibre de cette nation pourtant si bousculée. L'auteur prend ainsi le temps de nous dessiner dans le détail, le discours d'une maître de conférence de Kunming, Ma Qing, sur cette singularité de la pensée chinoise. Cette dernière reprend trois principes, trois voies, qui isoleraient la pensée chinoise des autres cultures :

    - La voie de l'Homme vertueux : l'intérêt collectif avant la réussite personnelle en toute circonstance

    - La voie du juste milieu de la pensée : garder une retenue dans son comportement 

    - La voie de la conduite civilisée : le respect de la piété filiale en fait partie

    Empreintes : Li KunwuLes chinois seraient ainsi inconsciemment guidés par ces principes qui les caractérisent, et dont le non-respect dans l'Histoire ou la société, ont toujours mené à des déséquilibres dommageables pour le pays. 

    Je trouve cette vision intéressante et j'aime, plus généralement, la manière avec laquelle Li Kunwu nous pousse à la réflexion sur cette Chine contemporaine, à travers son propre parcours initiatique d'une société dont il a du mal à suivre les changements permanents.

    Li Kunwu : Un regard unique sur l'Histoire moderne de la Chine 

    Li Kunwu, né en 1955 dans le Yunnan, est un témoin de tous lesEmpreintes : Li Kunwu bouleversements de la Chine depuis l'époque Maoïste jusqu'à l'ouverture économique et la société moderne d'aujourd'hui. Il dessine avant tout des mangas autobiographiques sous forme d'enquêtes, qui sont autant de réflexions sur les différents troubles qu'a pu connaître la Chine depuis l'arrivée au pouvoir de Mao.

    Li, qui a débuté en faisant des affiches de propagande communistes, peut ainsi enfin exprimer son talent et sa curiosité suite à l'ouverture économique de la Chine dans les années 1980.

    En France, il est plus connu pour son oeuvre emblématique en trois volumes, Une vie chinoise, où il décrit les bouleversements de la Chine à travers trois époques bien différentes qu'il voit tour à tour du point de vue du "Petit Li", lorsqu'il était écolier, jusqu'au "Li adulte" et le passage de la Chine de l'ère du culte du Parti à celui de l'argent. 

    Empreintes : Li Kunwu

    D'autres romans graphiques de l'auteur reviennent sur des coutumes chinoises anciennes que la Révolution a balayée. C'est le cas de son manga Les pieds bandés, où, à travers le récit de la vie de sa nounou, Li s'intéresse à ces femmes chinoises longtemps forcées à se faire bander les pieds pour trouver un mari riche, et finalement persécutées sous l'époque Maoïste pour leur "pensée réactionnaire".

    Dans une autre de ses oeuvres, Li Kunwu, nous raconte l'histoire du chemin de fer chinois dans le Yunnan mis en place par les Français au tournant du XXème Siècle pour relier la province chinoise au reste de ses colonies d'Asie du Sud-Est.

     

    Li Kunwu est donc un auteur unique, témoin des bouleversements de la Chine de la seconde moitié du XXème Siècle. Son style autobiographique très accessible, puisque toujours le résultat d'une enquête honnête et sans préjugés, facilite également l'approche de la culture chinoise pour les occidentaux.

    La plupart des ouvrages que je cite sont disponibles dans les rayons BD des libraires et autres magasins spécialisés.  

     

    Empreintes : Li Kunwu

     


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  • Ballet de Shanghai : "A Sign of Love"La troupe du ballet de Shanghai se produit actuellement à Paris au palais des sports porte de Versailles. Cette troupe, créée en 1979, a la particularité de briller techniquement dans l'interprétation des ballets classiques, mais aussi de proposer des ballets chinois alliant tradition orientale et technique occidentale.

    J'ai donc eu la chance d'assister à la représentation du ballet A sign of love ce weekend. Ce ballet contemporain (2006), raconte une histoire d'amour caché dans le Shanghai des années folles à la veille du conflit sino-japonais. Ce ballet est le fruit d'une collaboration rapprochée entre le chorégraphe Bertrand d'At et les équipes chinoises qui l'ont aidées à ressentir l'atmosphère de la ville à cette époque.

    Une tragédie chinoise classique

    L'histoire de A Sign of Love prend donc place dans un Shanghaï des années 1930 où tout le monde profite de la vie dans l'exubérance la plus totale, où tout le monde semble savourer cette dernière danse avant d'entrer dans une époque troublée de déchéance où la ville perdra son blason doré.

    On se laisse emporter par de sublimes décors représentatifs de cette époque et des rythmes jazz qui nous replongent dans un Shanghaï épanoui oublié aujourd'hui.

    Ballet de Shanghai : "A Sign of Love"

    Mais le point central de ce ballet, c'est l'histoire d'un amour impossible entre un homme et une femme vivant chacun avec leur conjoint, et dont la flamme semble se consumer jusqu'au dénouement. La passion de M LI et de Mme WANG restera donc discrète, pudique en public, dans les cabarets, comme dans l'intimité d'une chambre ou d'un réverbère : à l'inverse de leurs conjoints qui ne se refusent aucun plaisir dans la ville du vice de l'Orient.

    Ballet de Shanghai : "A Sign of Love"

    L'influence du film In the mood for love et sa suite 2046 du génial réalisateur chinois Wong-Kar WAI, est ainsi évidente dans la conception de ce ballet, de son ambiance et dans la profondeur avec laquelle sont décrits les personnages.

    Le ballet ajoute à ces références le traumatisme de la guerre qui vient ici accélérer le dénouement tragique de cette histoire d'amour déjà tourmentée.

    Vous l'aurez donc compris, je suis conquis et vous conseille donc fortement ce ballet dont vous pouvez visualiser un extrait ci-dessous accompagné d'un second extrait de La Fille aux Cheveux Blancs, autre représentation jouée actuellement par la troupe : 

     

    Ballet de Shanghai : "A Sign of Love"


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  • Wang Fuchun n'est pas un grand nom de la photographie mais un cheminot un peu artiste à ses heures perdues, qui nous offre ici une vision inédite des situations variées que l'on peut rencontrer dans les trains chinois.

    Son oeil avisé a en effet capturé, de 1970 à nos jours, tous ces instants éphémères qui se produisent quotidiennement dans ces wagons où les histoires se croisent le temps d'un voyage.

    Je vous laisse admirer son travail en cliquant sur la photo ci-dessous :

    Des chinois et des trains (Wang Fuchun)


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    Blackstation : Photographies

    Certaines pages de photos méritent le détour, c'est le cas de celle du photographe Blackstation sur le site Tuchong (图虫). 

    Ses photos de Shanghai et d'autres monuments en Chine sont en effet à couper le souffle. Il nous présente des points de vue habituels sur la Chine mais avec un angle bien différent du touriste que j'ai pu être auparavant, rendant chaque photo unique.

    Son dernier album photo est particulièrement intéressant et impressionant. Il montre en effet les premiers clichés pris de la Shanghai Tower encore en construction, qui culminera à 632m d'ici l'année prochaine, en faisant la 2nde plus grande tour du monde après le Burj Dubaï.

    Je vous laisse apprécier les talents de notre photographe :

    http://blackstation.tuchong.com/

    Suivre sous Weibo : Backstation王悟空


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  • La Chine accueille officiellement les jours de chaleur aujourd'hui. En effet, L'arrivée des beaux jours est donc marquée par la fête 端午节, connue en français sous l'appellation : "fête du Double Cinq" ou encore "fête des bateaux-dragons".

    Mais pourquoi "Double-Cinq"?

    Cette fête a en effet lieu le 5ème jour du 5ème mois du calendrier lunaire (décalé de notre calendrier), les chiffres ayant une symbolique très particulière en Chine. Cette fête marque aussi et surtout, la mort du célèbre poète Qu Yuan ( 340 - 277 Av. JC). Cet illustre lettré fut victime de son succès littéraire et attira la jalousie de ses pairs, lesquels firent tout pour le discréditer, ce qui le poussa à se suicider en se jetant dans une rivière, le 5ème Jour de la 5ème Lune. Des riverains auraient par la suite jeté dans l'eau du riz enroulé dans des feuilles de bambou afin d'éviter au pauvre homme d'être attaqué par les poissons.

    L'UNESCO a d'ailleurs classé cette fête au patrimoine culturel immatériel de l'humanité.

    Les activités de la fête du Double Cinq :

    端午节 : Fête du Double-CinqLa commémoration du cher poète est donc tournée vers l'eau d'où le nom aussi attribué de "fête des bateaux-dragons". En effet, des courses de bateaux en forme de dragon sont ainsi organisées dans toute la Chine, dont la plus célèbre à Hong Kong, rassemble tous les ans de nombreux participants et spectateurs.

     

    On mange également des feuilles de bambou farcies, les fameux ZongZi (粽子), pour se souvenir de la bonté des riverains qui ont voulu protéger le corps du poète.

    端午节 : Fête du Double-Cinq

     

     

     

    Cette tradition millénaire chinoise est célébrée dans tout le pays et même au-delà.


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  • Ai WeiWei : retour de l'artiste Après un long silence suite à son arrestation par les autorités chinoises, Ai WeiWei revient dans la mouvance contestataire qui l'a toujours caractérisée.

    C'est à Hong Kong qu'il présente sa dernière oeuvre intitulée Baby Formula 2013 composée de 1800 boîtes de lait en poudre représentant la carte de Chine. Ce travail étant bien sûr un clin d'oeil aux problèmes récurrents de sécurité alimentaire en Chine, et notamment au scandale du lait en poudre contaminé à la mélamine en 2008. Hong Kong n'a pas été choisie par hasard non plus car depuis ce scandale, la contrebande et l'importantion massive de lait en poudre en provenance de Hong Kong ont poussé les autorités du continent à mettre en place des mesures de contrôle drastiques aux frontières.

    Ainsi, désormais, toute personne contrôlée avec plus de 1,8kg de lait en poudre à la douane entre HK et le continent, s'expose à une amende pouvant atteindre 50 000 Euros ou deux ans de prison.

    Une oeuvre impressionnante mais aussi équivoque pour un artiste resté dans la contestation. Un album de Hard Rock Métal devrait d'ailleurs sortir sous peu, Ai WeiWei y raconte son arrestation par la police de Pékin...

    A suivre... 


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    China Photography

    Ce post n'est pas un article mais plutôt une publicité pour le blog China Photography de Marine CABOS.

    Il nous présente de somptueuses photos de l'empire du Milieu accompagnées de textes explicatifs en Anglais/Français/Chinois. c'est impressionnant et riche en information.

    J'ai passé moi-même un bon moment à dérouler les différents articles et vous souhaite d'en faire de même : vous trouverez le lien dans ma rubrique "Sites à consulter".

    Quelques photos sélectionnées : 

     

    China Photography

    China Photography

    China Photography

    China Photography

     


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  • Visages de ChineQuiconque est déjà allé en chine ne peut être passé à côté de ce spectacle urbain surprenant : les milliers de travailleurs migrants (民工) chariant d'un bout à l'autre des villes tentaculaires, leur charge écrasante sur des vélos rouillés par l'usure et le travail de leurs propriétaires.

    Le photographe Français Alain Delorme a capturé les images de certains de ces migrants à Shanghaï, transportant les cargaisons les plus insolites : plus qu'une curiosité du trottoir chinois, un hommage à ceux qui font la Chine tous les jours : à l'ombre des tours et de la reconnaissance.

    Suivez le lien :

    http://shanghaiist.com/2013/04/22/chinese_workers_carrying_mind-blowi.php#photo-6


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  • L'année du Serpent est arrivée : 蛇年快乐 

    Hier se tenait le réveillon du Nouvel An Chinois qui célèbre le changement d'année par rapport au calendrier lunaire. Ainsi, chaque année est associée à l'un des 12 animaux de la mythologie chinoise. Nous venos de quitter l'année du Dragon pour entrer dans celle du Serpent.

    Chaque animal ayant ses caractéristiques, il influence donc l'environnement durant une année. Les personnes portent également dans leur caractère, les caractérisitiques de l'animal de l'année de leur naissance.

    Certains maîtres de Feng Shui (风水) ont donc déjà fait quelques analyses de l'année à venir, et pour le serpent, les avis divergent, comme nous l'explique l'article ci-dessous du Figaro paru hier : 

    http://www.lefigaro.fr/international/2013/02/09/01003-20130209ARTFIG00377-la-chine-entre-dans-l-annee-du-serpent.php

    Bonne lecture


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  •  Yue Mijun est un artiste chinois contemporain assez discret mais dont l'oeuvre a fait le tour du monde et que vous connaissez sûrement sans savoir l'identifier.

    Les fameux personnages hilares de Yue Minjun sont devenus un symbole du renouveau artistique de la Chine.

    Mais avant de parcourir son oeuvre, intéressons-nous à l'homme. Yue Minjun est née en 1962 à Daqing (大庆) dans la province du Heilongjiang dans le nord de la Chine. Il a étudié la peinture à l'université Normale du Hebei (Province entourant Pékin). C'est à ce moment, au début des années 80, qu'il commence à peindre ses collègues de travail lorsqu'il s'engage sur une plateforme pétrolière en haute mer. Il s'installe ensuite à Pékin dans les années 1990 où il développe son style particulier.

    La particularité du travail de Yue consiste dans la description abstraite de réalités politiques et sociales. Ses autoportraits de l'homme qui rit tous identiques représentent un certain recul par rapport à tout ce qu'il observe. Ainsi, on peut le voir dans différentes situations plus ou moins réalistes mais toujours avec ce même sourire imperturbable. Les toiles gigantesques de l'artiste renforcent un sentiment d'étrangeté face à ses oeuvres, on se sent littéralement immergé dans son monde qu'il nous expose, ou plutôt qu'il nous impose.

    Yue Minjun - L'ombre du fou rire Yue Minjun - L'ombre du fou rire

     

     

     

     

     

     

     

    Yue Minjun est également célèbre pour ses reprises de chefs-d'oeuvre européens et peintures chinoises révolutionnaires qu'il façonne à son goût. Ainsi, ces reprises d'oeuvres se retrouvent vidées de leur substance.

    Ci-dessous, la reprise de Marat Assassiné de JL. David (1793) :

    Yue Minjun - L'ombre du fou rire

     

     

     

     

     

     

      

    Dans cet autre tableau de 1953, La cérémonie de la fondation de la Nation, les personnages ont disparus de la même manière que certains personnages disparaissaient des photos et tableaux officiels lorsqu'ils tombaient en disgrâce aux yeux du Grand Timonier.

    Yue Minjun - L'ombre du fou rire

     

     

     

     

     

     

     

    L'oeuvre de Yue MinJun peut être résumée ainsi : "Une réponse ironique au vide spirituel et à la folie de la Chine Moderne" comme le qualifie Li Xianting (Penseur chinois).

    Si cet article vous a plu, je vous invite donc à vous rendre à la Fondation Cartier d'ici le 17 Mars 2013.

    Bonne visite.

     


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